Natia Lemay
Soft Tissue

Du 22 mai au 5 juillet 2025

La Galerie Nicolas Robert Montréal a le plaisir de présenter Soft Tissue, une exposition de nouvelles œuvres de Natia Lemay. Dans cette série, la figure n’est pas mise en scène, mais située. Au repos, en retrait, parfois fracturée ou recadrée, toujours en devenir. Chaque pièce rend hommage à la topographie intime de l’espace domestique et du corps qui porte, absorbe et résiste à ce qui ne peut être dit.

Ces œuvres habitent le silence qui suit la rupture. Elles offrent des aperçus de ce que Christina Sharpe, dans “In the Wake: On Blackness and Being”, nomme la condition persistante de vivre « dans le sillage », où le passé n’est pas révolu, mais présent dans la chair, le geste et l’espace. Le sillage n’est pas seulement historique, il est intime. Il vit dans le poids des corps au repos, dans les cicatrices qui parlent sans mots, dans les rituels ralentis du soin.

Vivre dans le sillage, comme le décrit Sharpe, c’est habiter un état où la vulnérabilité est façonnée par la proximité avec des violences historiques et toujours actuelles. Dans Soft Tissue, la vulnérabilité n’est pas un spectacle. Elle est intérieure, soigneusement contenue. Les figures ne se défont pas. Elles se reposent. Elles ne confessent pas. Elles demeurent. L’obscurité qui les entoure devient à la fois couverture et soin.

Ce sont des exercices de persistance. Les pièces sont silencieuses, sans fenêtres, lambrissées ou étroites. Les figures s’allongent sur des canapés, des lits, des sols. Le corps est relâché, lourd, souvenant. Les scènes sont familières : une petite commode avec des crèmes et de l’eau, un canapé rayé, une couverture douce en tas sur le sol. Mais ces espaces ne sont pas passifs. Ils retiennent. Ils pressent. Ils deviennent des prolongements qui appartiennent aux corps qu’ils abritent.

Dans Soft Tissue, le noir n’est pas un vide, mais une substance. Il est l’architecture de l’intériorité. Il devient lumière et mémoire, créant à la fois densité et atmosphère. Les matériaux—huile, acrylique, graphite, toile brute—évoquent un processus d’excavation et de stratification. Dans certaines toiles, le corps se réduit à ses parties : le poids des bras, les jambes cicatrisées d’une figure suspendue au bord du lit, une légère inclinaison de tête. Ces gestes sont délibérés et sans éclat. Ils demandent une observation lente.

L’oeuvre Field Notes, en particulier, est à la fois blessure et carte. Dans cette petite peinture, le tissu cicatriciel devient un terrain, une surface que ni le temps ni l’imagination ne peuvent effacer. Ces traces, qu’elles soient héritées ou contenues en soi, ne crient pas. Elles vibrent. Elles tiennent. Sharpe écrit que le « travail du sillage » est un mode de soin, de deuil et d’attention à la vie. Ces peintures accomplissent ce travail à l’échelle du quotidien : l’application d’huile sur la peau, la longue assise, la conversation profonde. Elles refusent le spectacle et se tournent vers le doux et le durable.

L’œuvre ne se résout pas en récit. Elle demeure dans la pause, le flou, le souffle. Ce n’est pas une histoire de guérison ou de révélation. C’est une trace de ce qui persiste en dessous. Soft Tissue parle de ce que le corps retient, non avec clarté, mais en résidu. Dans le silence quand le langage échoue. Ces œuvres ne cherchent pas à être décryptées. Elles exigent à être ressenties.

Natia Lemay (née en 1985) a grandi à Winnipeg, au Manitoba et est maintenant basée à Toronto en Ontario. Sa pratique autoethnographique puise dans des récits personnels pour explorer les interactions entre l’esprit, le corps et l’espace, utilisant l’expérience vécue comme prisme pour comprendre des contextes culturels et sociaux plus larges. Natia Lemay a exposé à travers l’Amérique du Nord. Elle a été sélectionnée pour participer à la résidence Fountainhead, à Miami, en 2024 et pour la résidence Royal Drawing School à Dumfries, en Écosse, en 2022. Elle a reçu le National Trust Prize à la foire Expo Chicago, en 2024, et son travail a été acquis par le High Museum d'Atlanta, le Musée des beaux-arts de l’Ontario, le Minneapolis Institute of Art, le Minnesota Museum of American Art, le North Dakota Museum of Art et le Montclair Museum of Art. Elle détient une maîtrise en beaux-arts de la Yale School of Art (2023) et un baccalauréat en beaux-arts de l'Ontario College of Art and Design (2021), avec une mineure en sciences sociales.