Laurent Le Bel-Roux
A Fax from the South
From September 11 to October 25, 2025
La Galerie Nicolas Robert est heureuse de présenter A Fax from the South, la plus récente série de peintures de Laurent Le Bel-Roux réalisée au Texas. À travers des couches sédimentées d’acrylique, de pastel et de papier, Le Bel-Roux compose des scènes qui glissent de l’icône vers l’abstraction, où les formes reconnaissables s’évanouissent à mesure que l’on s’approche. Telles des peintures rupestres, elles nous incitent à les examiner de plus près pour y déceler leurs origines ou y discerner les premières actions, sans toutefois y parvenir. Le Bel-Roux nous convie ainsi à réorienter notre quête de sens en appréciant le jeu des formes à la surface.
Il y a environ 40 000 ans, au cours de la période aurignacienne, les premiers humains atteignent un degré d’avancement technologique qui leur permet de chasser plus efficacement et de se protéger durablement des éléments. L’invention d’abris temporaires, mais solides, de couteaux et d’outils de silex robustes facilite la traque de leurs proies de prédilection : chevaux, bouquetins, bisons. Ces conditions techniques coexistent avec, et peuvent même engendrer, l’émergence d’une pensée symbolique. C’est à cette époque également qu’on assiste à l’apparition des premières peintures et sculptures votives en Europe, découvertes au fil des siècles dans les grottes et sous les strates de sédiments.
Quel lien existe-t-il entre le développement de notre pensée symbolique et celui de nos techniques ? En quoi la peinture pouvait-elle nous aider à la chasse ? Ces questions paraissent aujourd’hui difficiles à percer. Il est dit des premières peintures qu’elles sont « préhistoriques », non seulement parce qu’elles précèdent l’écriture, mais aussi parce qu’elles relèvent d’une forme de magie d’évocation. En outre, on suppose que les premiers humains pensaient que ces images avaient une fonction réelle, plutôt que d’être simplement vouées à représenter. Elles auraient pu servir d’incantations protectrices, de consécration à la fécondité ou de présages pour une chasse favorable. Mais cette magie n'est pas une sorte de savoir ésotérique perdu. Les peintures orientaient notre rapport au monde et étaient tout aussi utiles que les outils qui assuraient la survie. Ce n’est pas un hasard si le cheval, gibier de choix dans le régime alimentaire préhistorique, apparaît dans les plus anciennes peintures rupestres comme celles de Pech Merle, il y a 26 000 ans, à celles de Lascaux, il y a 15 000 ans. Ces peintures constituaient une manière de s’orienter face aux conditions hostiles hors de la grotte, un manuel d’instructions pour nos outils et notre monde. La pensée symbolique nous a donné un avantage pour interpréter et habiter le monde, et pour chasser le cheval.
C’est là que nous transportons l’exposition A Fax from the South de Laurent Le Bel-Roux. Les tableaux apparaissent d’abord comme un livre de la Terre, des peintures rupestres d’un savoir préhistorique sédimenté. Toute cette magie apparente se confronte à notre pensée moderne, mais notre volonté de décoder et de comprendre les images contribue à les démystifier. Dans les peintures de Le Bel-Roux, notre premier réflexe est de chercher des formes lisibles, reconnaissables, d’en saisir le sens ou l’intention. C’est ce à quoi nous avons été entraînés. Mais à mesure que le regard s’attarde, tout ce qui semblait tangible se transforme et disparaît. Dans Marfa Lights, nous nous tenons à l’entrée d’une grotte obscure. Un profil se dessine, puis, dans un retournement kaléidoscopique, devient flamme. Dans Furtive Monologue, une empreinte animale se transforme en un test de Rorschach, puis reprend sa forme. Nous dérivons ainsi sur la surface de la peinture, à la recherche d’un centre, d’une origine, de quelque chose de familier.
L’un des premiers plaisirs face aux œuvres de Le Bel-Roux est de remonter les strates, de découvrir les toutes premières traces de la composition. Nous avons le sentiment que quelque chose se cache plus loin, quelque chose à découvrir, comme une veine d'histoire sous la surface. Mais attention, peut-être n’y a-t-il rien de plus à dévoiler. On croit vouloir entrer dans la grotte, mais pourquoi ? Sommes-nous certains qu’elle mène plus loin ? Les peintures de Le Bel-Roux proposent une vision éclairée, ce qui advient, advient là, à la surface. Si ces images éveillent quelque chose en nous, c’est qu’elles ont déjà réorienté notre réalité. Elles nous préservent de cette spirale descendante vers l’intérieur de la caverne.
Texte par Caleb Miller.